Le Dr Sylvia Masson, titulaire du DU de psychiatrie vétérinaire, a dirigé le groupe de travail « collier électrique » au sein de l’ESVCE (European Society of Veterinary Clinical Ethology). Cela a débouché sur la publication d’une prise de position officielle en faveur de leur interdiction européenne. Le Dr Masson nous explique pourquoi.
Comportement Animal : Comment avez-vous été amenée à vous intéresser aux colliers électriques ?
Sylvia Masson : C’est à travers mes clients, parmi lesquels certains vantaient les mérites de ce collier « miracle » qui avait résolu tous leurs problèmes.
Je me sentais un peu désarmée face à certains chiens et me demandais si, après tout, un seul choc électrique pouvait tout résoudre ? Je trouvais ce collier dangereusement attirant.
J’avais le sentiment qu’il y avait forcément un « côté obscur », mais je ne pouvais le prouver. Certains propriétaires prétendaient n’avoir besoin que du « bip sonore » pour faire revenir leur chien tout en ayant « résolu » le problème initial.
En consultation, certains allaient parfaitement bien, d’autres avaient beaucoup de symptômes comportementaux. Certains chiens, soi-disant « guéris » étaient en fait en grande souffrance psychologique mais « sages ».
Pour leur propriétaire, c’était une réussite. J’ai donc eu envie d’objectiver et de quantifier ces effets en apparence miraculeux.
Comportement Animal : Comment avez-vous procédé ?
Sylvia Masson : Dans le cadre du DU de psychiatrie vétérinaire, j’ai réalisé un mémoire en menant une enquête Internet auprès des propriétaires de chiens sur leurs habitudes en matière d’utilisation des colliers électriques.
Plus de 1200 propriétaires ont répondu et cela nous a permis de dresser un tableau plus précis de l’utilisation française.
Les effets indésirables du collier électrique sont nombreux, parmie lesquels une augmentation de l’anxiété chez le chien.
Comportement Animal : Qu’a révélé le questionnaire ?
Sylvia Masson : Les Français sont de grands utilisateurs de colliers électriques : dans mon enquête, 26 % des propriétaires rapportent avoir déjà utilisé un des trois types de colliers électriques (anti-aboiement, à télécommande ou antifugue).
C’est un chiffre qui est beaucoup plus élevé que dans le reste de l’Europe. Parmi les chiens sur lesquels les colliers électriques sont utilisés, on retrouve plus souvent des jeunes chiens (moins de 2 ans), non castrés/stérilisés, de plus de 40 kg.
Des utilisations culturelles comme la chasse et la sécurité ressortent tout particulièrement. Il y a encore des milieux ou les colliers électriques sont une tradition, alors que dans d’autres, l’utilisation devient marginale.
Comportement Animal : Comment sont utilisés ces colliers ?
Sylvia Masson : À travers nos questions, nous avons pu valider le fait que les propriétaires utilisent mal les colliers électriques : trop souvent, trop longtemps, avec un mauvais timing. Cela explique la très mauvaise efficacité rapportée dans notre étude : moins de 50 %. Côté blessures : 7 % des chiens équipés de colliers ont présenté des nécroses
de la peau. Nous sommes donc bien loin de l’idée véhiculée parfois, selon laquelle une seule décharge suffit pour régler le problème à vie. Statistiquement, sur l’ensemble des répondants, moins de 25 % observent une efficacité réelle qui se maintient dans le temps quand le collier est enlevé.
Interview paru dans la revue comportement Animal n°34